A quelques mois des échéances électorales, le porte-parole du front commun de l’opposition appelle les siens à renoncer à la politique de la chaise vide pour prendre une part active aux élections. Un discours qui lui a attiré les foudres des plus radicaux de l’opposition.
Ibrahim Abdourrazak alias Razida, porte-parole de l’opposition, fait cavalier seul. Du moins pour l’instant. En effet, dans un entretien avec le media en ligne Fcbk FM, il a appelé l’opposition à prendre part aux élections présidentielles de 2024 dans l’optique de déloger Azali, le vœu pieux de toutes les oppositions. Cet appel rompt avec le discours officiel véhiculé par l’opposition qui a toujours milité pour le boycott, à l’exception de la présidentielle de 2019 au cours de laquelle les opposants étaient en ordre dispersé, révélant ainsi leur appétence du pouvoir. Mais surtout, la stratégie leur a fait filer entre les doigts leurs chances de conquérir la magistrature suprême du pays.
A l’approche des échéances électorales de 2024, Razida ne semble pas prêt à reproduire les erreurs du passé. Bien au contraire, il veut en tirer les leçons. Et c’est raisonnable. Pour cet opposant tonitruant, ne pas prendre part aux élections reviendrait à offrir un boulevard au président sortant qui, dans tous les cas, verra sa réélection validée par la haute juridiction du pays. Un cachet qui lui ouvrira grand les portes par-delà les frontières nationales, où l’opposition se vante, à tort sans doute, d’avoir une maitrise du terrain. Les preuves de l’inefficacité de la politique de la chaise vide sont légions. De 2018 au cours du referendum constitutionnel à 2020 au cours des législatives, l’opposition n’a fait que chou blanc dans sa stratégie de boycott censée dissuader le régime en place et interpeller la communauté internationale.
Malgré l’évidence, l’appel de Razida ne fait pas l’unanimité au sein des oppositions. Les plus radicaux de Daula Yahaki, un mouvement né au sein de la diaspora comorienne de France dans la foulée des élections de 2019, entachées d’irrégularités, le reprochent de chercher à « légitimer » les élections de 2024, tandis que des caciques de l’opposition à Moroni affirment que la position de leur porte-parole « n’engage que sa personne ». Me Mahamoud Ahamada, candidat à la présidentielle de 2019, soutenu par le parti Juwa, n’est pas en reste : « L'opposition n'a jamais voulu boycotter les élections. Nous sommes dans un pays où depuis 2001 des institutions étaient mises en place pour organiser et veiller à la bonne gestion de la chose publique. Avec l'arrivée au pouvoir du putschiste Assoumani Azali en 2016, il a sapé l'ensemble des institutions », fait-il valoir avant de poursuivre :
« S'il est vrai que les élections permettraient de débarrasser ce pays de la dictature, encore faudrait-il que le porte-parole de l'opposition se rappelle qu'en 2019 alors qu'on s'apprêtait d'aller voter le 24 mars, aucun de mes assesseurs n'avait reçu d'accréditation pour me représenter dans les bureaux de vote surtout à Anjouan (…) Pour l'instant je crois que Razida ait eu tort de parler de la sorte dans la mesure où, en sa qualité de porte-parole, il se doit de la porter lorsque les décideurs l'auront prononcée. Donc le discours de Razida n'a pas tenu compte de la fonction qu'il occupe au sein du Front Commun Élargi », conclut celui qui espère que son groupement, le Front commun élargi, « va se prononcer rapidement pour calmer les esprits échaudés ». Ce qui est sûr, l’appel vibrant de Razida mérite de relancer le débat sur la stratégie d’une opposition qui a perdu toute crédibilité aux yeux d’une partie de l’opinion à cause de ses querelles intestines et de leadership.
Nassuf Ben Amad
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