À Moroni, trouver de l’eau est devenu un combat de chaque instant. Les robinets restent désespérément secs tandis que les camions-citernes, eux, continuent d’être alimentés par la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau (SONED). Pour les habitants, la situation frôle l’absurde : au lieu d’assurer un service régulier dans les foyers, l’entreprise publique semble se contenter de vendre de l’eau aux camions privés comme si tout était normal. Pourtant plusieurs milliards de nos francs sont injectés ces dix dernières années pour l’extension et l’amélioration de l’approvisionnement en eau de la capitale et ses environs.
Il y a encore quelques mois, les bus de distribution sillonnaient la capitale plusieurs fois par jour, proposant le bidon à 250 francs comoriens. Aujourd’hui, leur passage se fait exceptionnel. « Avant, on pouvait compter sur eux, maintenant c’est une fois seulement. Si on les rate, on reste sans rien », raconte Amina Halidi, mère de famille à la Coulée de lave. Cette incertitude pèse lourdement sur les foyers, surtout ceux qui n’ont ni réservoir pour stocker l’eau ni moyens financiers pour acheter une grosse quantité par camion citerne (75.000 FC). « On se lève dès 5 heures du matin pour attendre les bus, mais parfois, ils ne passent même pas », confie Mohamed, jeune habitant du quartier Mtsangani. « Sans eau, impossible de cuisiner, de se laver, ou même de partir travailler normalement. C’est une lutte quotidienne. »
Face à cette pénurie, la solidarité tente de prendre le relais. Dans certains quartiers, les familles s’organisent et se partagent les rares bidons disponibles. Mais cette entraide a ses limites. « On rationne : un bidon pour boire, un pour la cuisine, et parfois rien pour la douche », explique Halima Kadri, étudiante à Moroni. La crise met en lumière un problème structurel ancien : des infrastructures vétustes incapables de répondre à la demande croissante. Les habitants dénoncent une situation devenue insupportable. « Ce n’est pas normal qu’en 2025, dans la capitale, on en soit encore là », s’indigne un commerçant de Hadoudja au nord de la ville.
Beaucoup pointent du doigt la SONEDE, accusée d’avoir transformé un service public vital en business juteux. « Comment se fait-il que l’eau coule pour remplir les centaines de camion-citerne, mais pas dans nos robinets ? », s’indigne un commerçant de Hadoudja. Au-delà du manque d’infrastructures, c’est un sentiment d’abandon qui domine. « On paie pour un service qui n’est pas fourni. Nos enfants souffrent et la SONEDE fait comme si tout allait bien », lâche Souraya Soultoine, exaspérée. Pour les habitants, la crise de l’eau n’est plus seulement un problème technique : c’est une question de dignité et de justice sociale. Ils réclament des solutions d’urgence, mais aussi un véritable plan de réforme. Car, comme le résume un père de famille à Magoudjou : « L’eau, c’est la vie. Mais ici, la SONEDE nous la vend en bidons. »
Mohamed Ali Nasra
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